10 octobre 2011

Idées du patronat : Le retour des syndicats de salariés « maison » ?

Depuis longtemps, le Medef se bat pour que le contrat l'emporte sur la loi. Pour que ce projet soit crédible, il faudrait un fort taux de salariés syndiqués. D'où l'idée de rendre obligatoire l'adhésion des salariés à des syndicats ... peu revendicatifs ou « maison » ?


Le taux de syndicalisation des salariés français est faible puisqu'il ne dépasserait pas 5% dans le privé. Cette réalité ne permet pas aux organisations d'employeurs de justifier le transfert de la gestion du droit du travail et du dialogue social au seuls partenaires sociaux.

Alors, aussi étonnant que cela puisse paraître, le Medef qui, il y a peu, avec l'aide de l'UMP liquidait le projet de loi « dialogue social » dans les TPE, au fait que : « Loin de simplifier les choses, l'instauration d'institutions représentatives du personnel (...) ferait perdre du temps dans la résolution des problèmes » propose de rendre obligatoire l'adhésion de tous les salariés à un syndicat.

Cette proposition faite par le Medef 44 est, à y regarder plus près, une manipulation grossière, équivalente à celle de 2007, où l'intention du Medef était de : « (...) paralyser une future éventuelle majorité parlementaire de gauche pour qu’elle ne puisse pas légiférer souverainement sur le droit du travail et le droit social (...) » comme l'expliquait Gérard Filoche le 2 août dernier dans un article publié sur Marianne2

Au delà du débat lancé par le Medef 44, force est de constater qu'il ne fait pas bon être syndiqué, dans la plupart des entreprises privées où, comme le dit Bernard Thibault : « (...) Le droit de se syndiquer est le même pour tous, agriculteurs, avocats, médecins ou salariés. Mais il n'y a que les salariés qui subissent des intimidations. Cette peur est d'autant plus forte dans un environnement fait de chômage et de précarité, où l'on dit aux salariés qu'on peut les remplacer facilement »

Quel est le contenu de la proposition du Medef 44 et que cache t-elle ?

C'est le Journal des entreprises qui nous l'explique : « (...) Il s'agit de l'une des dix propositions que l'organisation patronale locale fait remonter à son échelon national en vue des prochaines élections présidentielles (...) L'équipe de Laurence Parisot compilera certaines de ces propositions dans le livre « Besoin d'air2 », son programme politique qu'elle soumettra aux candidats de 2012 (...) »

Marginaliser les syndicats revendicatifs au profit des plus dociles ?

C'est ce qu'on peut se dire en lisant les propos du Président de la CGPME régionale qui affirme : « Quand on a un syndicalisme décadent, il faut le réformer. Celui-ci est trop politique, trop partisan et c'est d'ailleurs pour cela que les salariés ne s'y retrouvent pas » La solution étant selon les organisations patronales : « (...) de favoriser le dialogue avec des personnes représentatives et non plus enfermées dans des bastions »

En clair, explique le Journal des Entreprises : « (...) La manoeuvre du Medef consiste en effet à diluer l'extrémisme par l'adhésion du plus grand nombre (...) »

Face à cette proposition, la CFDT tire la sonnette d'alarme : « Le risque, c'est que les chefs d'entreprise favorisent l'émergence de telle ou telle organisation syndicale. Au bout du compte, on aurait des syndiqués et des dirigeants pieds et poings liés et ce n'est pas bon pour le dialogue social »

C'est le moins qu'on puisse dire !

Objection balayée d'un revers de manche par le président du Medef 44 qui n'hésite pas à affirmer : « (...) Si les employeurs et les salariés sont suffisamment forts pour être représentatifs, nous pourrons nous passer de l'État (...) Le dialogue social doit se faire entre ces deux partenaires et non pas, comme c'est le cas actuellement, avec un État qui joue systématiquement le rôle d'arbitre. Si on propose cela, c'est qu'il est grand temps de changer de culture pour qu'employeurs et syndicats puissent véritablement construire ensemble »

Ce qui aboutirait, dans la mesure où l'état et les parlementaires n'auraient plus voix au chapitre, à la situation totalement déséquilibrée que décrivait Filoche : « (...) Mettre aujourd’hui encore sur le même plan, 1,2 million de patrons et 18 000 000 de salariés est un « paritarisme » curieux : non seulement ce n’est pas « un humain, une voix », non seulement ce n’est pas démocratique, non seulement cela ne corrige pas le déséquilibre qui existe manifestement au détriment des salariés, ça n’a rien à voir avec la « démocratie sociale » mais c’est un système qui favorise les plus favorisés, la force dominante (...) »

Cette proposition ne fait toutefois pas l'unanimité auprès des employeurs, puisque la CGPME, comme à son habitude craint l'arrivée de syndicalistes « radicaux » dans ses entreprises. Mais retrouve le Medef sur la notion de « nouveau syndicalisme » qui les libérerait de la tutelle de l'état et des élus de la nation.

Philippe Moreau, président de la CGPME des Pays de la Loire affirme que : « (...) le syndicalisme doit évoluer. On assiste aujourd'hui à une surenchère infernale alors qu'en période de crise, il faudrait une certaine complicité entre l'économique et le social. Dans certains pays, les syndicats ne sont pas que dans la contestation, offrent des services et sont co-responsables (...) »

En gros, ce syndicalisme « new look » se limiterait par exemple, à expliquer aux autres salariés pourquoi ils doivent accepter des modifications de leurs horaires ou durée du travail, sans bien entendu, revendiquer d'augmentations de salaires, au nom d'une : « certaine complicité entre l'économique et le social » ! Le but final étant d'imposer enfin le grand fantasme patronal du « salarié partenaire » qui accepterait de prendre à son compte tous les aléas de l'entreprise sans avoir les avantages des actionnaires !

Oui, mais direz-vous en cette période de faible pouvoir d'achat, les salariés rechigneront à cotiser à un syndicat !

Et bien sachez que L'ANDRH (l'association nationale des DRH) y a pensé et propose que les entreprises : « facilitent le financement de l'adhésion syndicale » Ce qui vous donne une petite idée du futur contenu du : « dialogue avec des personnes représentatives » au cas ou le futur Président de la République donnerait gain de cause aux organisations d'employeurs !

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