11 janvier 2010

Avenir des retraites : Petites manipulations sondagières en cours !

Nous l'avons écrit récemment sur Slovar les Nouvelles : "le Conseil d'orientation des retraites, dont le précédent rapport majeur remontait à 2007, devait présenter en janvier 2010 ses projections sur l'avenir de notre système de retraite, mais ne le ferait pas, car : " En pleine campagne électorale pour les régionales, il serait délicat pour le gouvernement de sortir des projections très alarmantes, nécessitant des décisions impopulaires"

Il est clair que notre "réformateur" de Président que : "rien ne fait reculer" a eu peur que le contenu du rapport ne soit défavorable à sa majorité. Une fois de plus, les français sont obligés de constater que les politiciens, sont moins fiers à bras, lorsqu'il s'agit de leur avenir personnel et de leur maintien au pouvoir !

Mais, quel que soit le résultat de ces élections, nous pouvons être certains que les mauvaises nouvelles, non sanctionnables par les électeurs, vont leur tomber dessus.

Car, comme l'expliquait Laurence Parisot en 2008 : "D'après les derniers calculs que nous avons pu obtenir du Conseil d'orientation des retraites (COR), on commencerait à rééquilibrer les retraites si on ajoutait aux 41 années de cotisations [...] un âge légal de départ à la retraite de 62 ans ... / ... " alors, imaginez le contenu du rapport de 2010 !

Alors, quoi de mieux que quelques sondages pour préparer les esprits et montrer aux français, qu'en fin de compte, il sont très raisonnables et accepteraient sans la moindre contrainte de voir diminuer leurs droits .... jusqu'à un certain point, du moins !

Car, comme l'explique le JDD qui est le premier à ouvrir le feu : " ... / ... Le dossier est, chacun le répète, explosif. Certains proches du chef de l’Etat mesurent le risque de faire descendre des millions de Français dans la rue et d’entraver le chemin vers une réélection dans deux ans. A l’Elysée, on souligne que le Président "a l’objectif d’être très ambitieux et de réussir ... / ... "

"Selon un sondage exclusif Ifop pour le Journal du Dimanche, 40% des personnes interrogées estiment que le système de retraites a fait l'objet de réformes qui allaient dans le mauvais sens ces dernières années. 76% des Français sont par ailleurs peu ou pas confiants quant au niveau de leur future retraite " .. / ... les personnes interrogées accepteraient de travailler, en moyenne, jusqu’à 62 ans ou presque. Et 41 % des sondés seraient disposés à cotiser davantage pour toucher une pension satisfaisante. Nicolas Sarkozy lira ces résultats avec intérêt. Le président de la République a annoncé que les retraites seront le grand rendez- vous social de 2010. "Il faudra que tout soit mis sur la table, l’âge de la retraite, la durée de cotisation, la pénibilité", avait-il dit devant le Congrès l’an dernier... / ... " - Source JDD

Ce sondage, intéressant, puisqu'il est le premier pour l'année 2010 ne doit pas à notre sens être considéré comme un "mètre étalon", dans la mesure ou il a été réalisé avec un : "Echantillon de 1019 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, dont 522 actifs" Ce qui nous semble un peu juste pour tirer des conclusions.

Ce qui n'a pas posé de problème au Figaro, qui comme le JDD affirme que : "Les Français prêts à un recul de l’âge de la retraite"

Et d'affirmer : "Selon un sondage paru dimanche dans le Journal du Dimanche, les Français, toujours plus inquiets quant au montant de leur future retraite, seraient prêts à des sacrifices"

... / ... Un sondage instructif, à quelques mois d’une nouvelle mise en chantier du système. Le chef de l’Etat a en effet choisi l’année dernière d’avancer le calendrier de la réforme des retraites de 2012 à 2010. Si la CGT estime le système actuel “viable”, le secrétaire général de la CFDT François Chérèque se prononce en revanche pour l’instauration d’un système à points, plus personnalisé que le système actuel, comme l’a déjà fait la Suède. ... / ... S’il envisage un recul de l’âge légal de la retraite aujourd’hui fixé à 60 ans, une hausse des cotisations ne semble pour l’instant pas à l’ordre du jour"

Que disent exactement les 1019 personnes dont 522 actifs interrogés par le JDD ?

Nous vous proposons d'en juger au travers de quelques tableaux extraits du sondage

L'estimation de l'âge légal pour son propre départ à la retraite

Question : " D'après vous, à quel âge serez-vous contraint de partir à la retraite ? "

Base : actifs, soit 54% de l’échantillon. Ensemble (%)
• Moins de 60 ans ............................. 8
• De 60 à 64 ans ............................... 30
• De 65 à 69 ans ............................... 38
• 70 ans et plus ................................. 24
TOTAL ............................................... 100

Moyenne .......................................... 64.7 ans

La façon dont la question est posée est importante. Car, en effet, elle fait référence à la notion de "contrainte". Ce qui naturellement donne ces réponses fatalistes !

Question : "Et jusqu'à quel âge seriez-vous prêt à travailler pour avoir une bonne retraite ?"

Base : actifs, soit 54% de l’échantillon. Ensemble (%)
• Moins de 60 ans .................................................. 13
• De 60 à 64 ans ..................................................... 44
• De 65 à 69 ans ..................................................... 33
• 70 ans et plus ...................................................... 10
TOTAL ..................................................................... 100
Moyenne ................................................. 61.9 ans


Question : " Et si vous aviez le choix, concernant votre retraite, préféreriez vous... ? "

Base : actifs, soit 54% de l’échantillon. Ensemble (%)

• Cotiser davantage pour partir à la retraite le plus tôt possible .......... 41
• Travailler le plus longtemps possible pour vous garantir une
retraite satisfaisante ........................................................................... 34
• Partir le plus tôt possible quitte à avoir une retraite moindre ........... 23
• Rien de tout cela ............................................................................... 2
- Ne se prononcent pas ............................. -
TOTAL .......................................................... 100

Ce qui ne signifie nullement, contrairement à ce qu'affirment le JDD et Le Figaro que : "les personnes interrogées accepteraient de travailler, en moyenne, jusqu’à 62 ans ou presque" tout au plus, elles ne se font aucune illusion sur le sujet !

Même si nous persistons sur le fait que l'échantillon est trop faible pour tirer des conclusions. Il semblerait bien que l'allongement de la durée de cotisation ne fasse pas l'unanimité et pourtant, c'est la piste privilégiée par le gouvernement qui se refuse à une augmentation des cotisations et le MEDEF qui continue de proposer de repousser l'âge légal à ... 62 ans !

Grand absent de cette étude : Le taux d'emploi des plus de 50 ans qui continue à être désespérément bas.

Car, comme l'indique la Documentation française : " Avec un taux d'emploi de 37,8% pour les 55-64 ans en 2005, la France se situe très en dessous de la moyenne européenne - 42,5% - et loin des 50 % en 2010 fixés au niveau communautaire. ... / ... "

Or, ce sont eux qui sont le plus exposés. Et, dans la mesure où les mesures gouvernementales se limitent à une taxe, qui sera habilement détournée, grâce au catalogue de "bonnes pratiques " produit par Nicole Notat ex secrétaire général de la CFDT (lire Slovar : Plan emploi seniors : Laurent Wauquiez se complaît dans les mesures cosmétiques ! ) ils risquent d'être les premières victimes d'un allongement de la durée de cotisation.

Aussi, il est très étonnant que ce soit un socialiste qui enfonce le clou de l'allongement de la durée de cotisation :

"Manuel Valls s'est prononcé lundi matin en faveur de l'allongement de la période de cotisation dans le cadre de la réforme des retraites, au lendemain de la publication par Le Journal du Dimanche d'un sondage allant dans le même sens. "Il faut dire la vérité aux Français", a déclaré le député socialiste, interrogé par Europe 1, prônant "un large consensus sur la réforme des retraites" mais "à condition que la réforme soit juste". Manuel Valls plaide notamment pour la prise en compte de la pénibilité du travail" - Source JDD

Toute la question est de savoir à quel titre il s'exprime ?

Et, surtout, amène à se poser une autre question : Sa proposition de changer les méthodes et le nom du Parti Socialiste incluait t-elle le ralliement pur et simple aux thèses en cours à l'Elysée et dans la majorité parlementaire ?

Car, il aurait peut être pu évoquer un autre grand absent de l'étude IFPO/JDD : Le "fond de réserve des retraites" créé en 1999 par le gouvernement de Lionel Jospin afin d'assurer la pérennité des régimes de retraite de base du privé, et qui avait pour objectif initial de cumuler 150 milliards d'euros d'ici 2020.

Celui-ci ne disposait que de 34,5 milliards d'euros d'actifs au 31 décembre 2007 et cette situation financière s’est même aggravée après une perte de 3,1 milliards d’euros sur les marchés financiers par l’intermédiaire de la caisse des dépôts et consignations (CDC), chargée de sa gestion.


... / ...les partenaires sociaux craignent un démantèlement de ce fonds car Nicolas Sarkozy n’a pas de sympathie particulière pour cet outil destiné à lisser, à partir de 2020, les besoins de financement du régime de retraite des salariés du privé.
Au vu des dotations annuelles moyennes (4 milliards d'€), le cap initial fixé de 150 milliards semble inaccessible et ce fonds ne couvrirait que 22 % des besoins de financement des régimes de retraite ... / ... " Source Réformer aujourd'hui

Alors, quoi de mieux que quelques sondages pour préparer les esprits et montrer aux français, qu'en fin de compte, il sont très raisonnables et accepteraient sans la moindre contrainte de voir diminuer leurs droits .... tout en évitant de leur parler des éventuelles pistes alternatives !

Crédit photo
La Tribune
Crédit dessin
Faujour

3 commentaires:

Mirabo a dit…

Et, naturellement, l'ambiguïté habituelle "Cotiser davantage pour partir à la retraite le plus tôt possible" : de quels cotisants parle-t-on ? Des salariés ou des employeurs ? Chacun entendra ce qu'il veut...

Et toujours aucune réflexion globale sur la répartition d'une masse salariale nationale [salaires + pensions + indemnités chômage] en baisse constante... Quand expliquera-t-on clairement que la question de sa répartition interne (plus de salaire ? moins de pension ? plus longtemps ?) n'a strictement aucun sens ?
Chacun de nous touche peu ou prou la même chose : que ce revenu soit qualifié de salaire, de pension ou d'indemnité n'a que peu d'importance - l'essentiel est de connaître la part de l'enveloppe salariale globale dans le revenu national...

realworld a dit…

Il faut dire ce qui est : on est victime du règne des viocs. Les jeunes de 68, devenus viocs d'aujourd'hui verrouillent les postes a responsabilité, votent massivement pour la droite sécuritaire qui protège leur pré-carré (loi sellier et autres défiscalisations patrimoniales d'enrichissement) a coup de crs. Rien de bien neuf, c'est exactement ce qu'ils reprochaient en leur temps. Sauf qu'hier leur surnombre lié au baby boom leur a laissé une petite chance de se faire entendre en 68. Aujourd'hui le papy boom augure un bien sombre avenir pour les jeunes. Il est facile de sabrer dans les "avantages" sociaux quand on se retrouve bien a l'abri de sa retraite; facile de fustiger la fainéantise des jeunes quand un retraité peu faire de la concurrence salariale pour un emploi d'appoint en plus de sa retraite et quand on a pas été confronté à la concurrence de la mondialisation... L'avenir n'est certes pas complètement noir, il est gris. Mais bien foncé alors...

jcd a dit…

100 pour cent d'accord avec Mirabo.